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RÉPONSE À UNE LETTRE GALANTE QUI LUI FUT ÉCRITE DES CHAMPS-ÉLYSÉESAPRÈS UNE GRANDE MALADIE DONT ELLE PENSA MOURIR
Moi qui sus mourir et renaître,
J’ai vu l’autre monde de près,
Et n’ai pas vu le myrte y croître
Parmi les funestes cyprès.
Jusqu’au bord de l’onde infernale
L’amour étend bien son pouvoir,
Mais passé la rive fatale,
Le pauvre Enfant n’y peut que voir.
Là-bas dans ces demeures sombres
Rien ne saurait toucher un cœur ;
Croyez-m’en plutôt que les ombres,
Car il n’est rien de si menteur.
Il en est à mines discrètes
Et d’un entretien décevant ;
Mais fiez-vous à leurs fleurettes,
Autant en emporte le vent.
Sans dessein, sans choix, sans étude,
D’autres soupirent tout le jour :
Un certain reste d’habitude
Les fait encor parler d’amour.
Enfin la mort aux morts ne laisse
De leur amour qu’un souvenir ;
Sans que leur défunte tendresse
Leur puisse jamais revenir.
L’objet agréable ou funeste
Sur eux fait peu d’impression :
Ombres qu’ils sont, il ne leur reste
Que des ombres de passion.
D’en naître là, point de nouvelle :
Chaque blondin vaut un barbon,
Et la plus jeune Demoiselle
Y paraît cent ans, ce dit-on.
C’est une chose insupportable
Que l’entretien d’un trépassé,
Car que sait-il le misérable
Que des contes du temps passé.
Aime-t-on des ombres de glace ?
Quel feu tient contre leur froideur :
Faites-moi quelque autre menace,
Si vous voulez me faire peur.
Pour appuyer la Prophétie
Me défends-je avec tant d’effort
De tant d’honnêtes gens en vie,
Pour m’entêter d’un vilain mort.
Quoi me reprendre de la sorte :
Je suis plus sage, je le sens ;
S’il fallait aimer vive ou morte,
Je saurais bien prendre mon temps.
Mais par bonheur sans se méprendre
On peut fuir l’amour et ses traits,
Et qui vivant sait s’en défendre,
Il en est quitte pour jamais.
Qui se sent Prude et Précieuse
Pour toujours est en sûreté,
Et fût-elle peste et rieuse,
Les rieurs sont de son côté.
Si je craignais d’être affligée
De quelques véritables maux,
Je vous serais fort obligée ;
Mais vous ressuscitez à faux.
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LES MARCHEUSES
A’s sont des tas
Qu’ont pus d’appas
Et qui n’ont pas
L’sou dans leur bas.
Pierreuses,
Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
Sur le trottoir.
Les ch’veux frisés,
Les reins brisés,
Les seins blasés,
Les pieds usés.
Pierreuses,
Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
Sur le trottoir.
A’s vont comm’ ça,
Par-ci, par-là,
En app’lant l’ a-
-mour qui s’en va ...
Pierreuses,
Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
Sur le trottoir.
A’s ont pus d’ pain,
Car le chopin
N’est pas rupin ...
C’est du lapin.
Pierreuses,
Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
Sur le trottoir.
A’s ont pus d’ feu,
A’s pri’nt l’bon Dieu
Qu’est un bon fieu
D’ chauffer leur pieu.
Pierreuses,
Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
Sur le trottoir.
Christ aux yeux doux,
Qu’es mort pour nous,
Chauff’ la terre oùs-
-qu’on fait leurs trous.
Pierreuses,
Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
Sur le trottoir.votre commentaire
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